Interview de Samuel Durand pour le livre 'L'IA au service du marketing'
En achetant le livre 'L'IA au service du marketing', vous aurez accès à des ressources complémentaires (interviews et prompts). Voici l'interview de Samuel Durand ....
Comment observe-tu l’arrivée de ChatGPT dans les entreprises ?
Samuel Durand : En fait, l'arrivée de ChatGPT, c'est comme l'arrivée de l'iPhone. C'est un usage personnel, alimenté par des curiosités individuelles. Pour l'instant, son utilisation dans les entreprises est encore marginale, un peu "pirate" dirais-je. Ce que je dis aujourd'hui ne sera plus vrai dans 3 à 6 mois, car les entreprises auront eu le temps de développer une stratégie, une politique, une éthique. La grande peur actuelle tourne autour de la sécurité, surtout dans les grandes entreprises. Ce sont surtout les curieux et les indépendants qui le testent, pas vraiment les grandes entreprises. En France, la plupart des entreprises avec qui j'ai travaillé ont commencé par dire non à ChatGPT. Aux USA, c'est différent, les entreprises se sont ruées dessus. Il y a une grande importance accordée à ce que chaque salarié puisse tester et trouver des cas d'utilisation appropriés à son métier. C'est très intéressant.
Récemment, il y a eu une grande vague d’adoption, mais cette révolution n’elle n'est pas vraiment technologique en fait. C'est plus une révolution liée au consommateur. Tous ces LLM se sont équipés d'une expérience utilisateur accessible pour tous, ce qui a entraîné une adoption en masse. Technologiquement, ce n'est pas révolutionnaire par rapport aux IA qui existaient avant. C'est plus une révolution au niveau de l'utilisation par les utilisateurs. Après l'adoption, il y a un usage beaucoup plus avancé dans l'industrie que dans le tertiaire. Dans l'industrie, il y a déjà des cas d'usage concrets qui fonctionnent bien, notamment dans l'automatisation avec des robots. Dans le tertiaire, on teste encore. La différence principale, c'est que dans le tertiaire, on utilise l'IA pour des tâches secondaires, comme un RH qui rédige une offre d'emploi, mais pas pour des sujets clés, contrairement à l'industrie. Aux USA, ils y vont beaucoup plus franchement car ils ont compris l'importance de mettre ces outils dans les mains de tout le monde le plus rapidement possible pour trouver les cas d'utilisation les plus pertinents.
As-tu rencontré dans le monde des entreprises ces archétypes modernes que j'évoque : des Robinson Crusoé de l'innovation, des Astérix du management, des Centaures de l'IA et des Iron Man de l’IA ?
Samuel Durand : Ah, cette typologie des archétypes est non seulement amusante mais aussi très révélatrice. Je trouve ça assez drôle, cette séparation entre les quatre archétypes. Je me retrouve plutôt bien dans celui du centaure. Depuis que j'ai commencé à écrire pour mon documentaire sur l'IA, j'ai vu tout type de réaction. Il y a les Astérix, ceux qui m'envoient des emails me disant que je suis la "béatitude libérale" et qu'il faut résister à cette idéologie de l'IA qui va supprimer tous les emplois. À l'opposé, surtout aux États-Unis, il y a des ‘fanatiques’ de l'IA, ceux qui voient dans cette technologie la solution à tous les problèmes du monde, des inégalités sociales au réchauffement climatique.
Qu'est-ce qui t'a le plus surpris ?
Ce qui m'a étonné, frappé, voire choqué, c'est à quel point même les experts en IA ont été pris de court par son évolution rapide. C'est assez déroutant et même dingue de voir des professionnels, qui sont dans le jus, dans le bain depuis des années, être surpris par ces développements. L'impact sur des modèles en termes de prédictions et de travail est significatif.
Et ton ressenti personnel sur tout ça ?
La question fondamentale est de trouver un équilibre philosophique entre l'homme et la machine. C'est là que réside la vision responsable de l'IA, avec toutes les implications éthiques que cela comporte. Il s'agit de faire un choix en pleine conscience. Face à une tâche donnée dans un monde où l'IA sera omniprésente, valorisons-nous uniquement le résultat final ? Dans ce cas, l'IA est la solution. Ou valorisons-nous le processus, même si l'IA pourrait le faire plus rapidement et mieux ? Car en tant qu'humains, nous sommes capables de donner de l'importance à ce processus, et c'est de la valeur. Cette distinction, nous devrons la faire à chaque fois. On le fait déjà, en réalité, quand sur LinkedIn ou Gmail on nous propose trois choix de réponse. Faisons-nous le choix de la facilité en cliquant sur une des réponses préformulées, ou faisons-nous le choix plus courageux de forger notre propre réponse ? C'est ce genre de décision que nous allons devoir prendre à des niveaux beaucoup plus importants, avec des implications bien plus grandes qu'une simple réponse formulée par une IA.