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Doit-on réglementer l’IA au détriment de l’innovation ?

Doit-on réglementer l’IA au détriment de l’innovation ?

Par SylvAIn Montmory – Publié le 31 janvier 2025 – Temps de lecture par une IH : 8 min.

Dans tout bon débat sur l’IA, surgit immanquablement la question qui fâche : « Faut-il réglementer l’IA, quitte à ralentir l’innovation ? » Et, dans la foulée, la complainte bien connue :
 

« Les États-Unis innovent, la Chine copie, l’Europe régule »
 

D’un côté, les ultra-libéraux de la tech dénoncent une camisole bureaucratique, accusant les lois de tuer dans l’œuf l’innovation. Pour eux, réguler, c’est s’assurer un retard définitif face aux États-Unis et à la Chine.
 

De l’autre, les partisans d’un cadre plus strict refusent le Far West numérique, où l’IA se développe sans contrôle, manipule l’information et automatise des décisions sans pilote. Ils voient dans l’absence de régulation une menace pour la démocratie, la vie privée et même l’équilibre du marché.
 

Alors, faut-il choisir entre anarchie algorithmique et régulation paralysante ?

88 % des citoyens veulent réglementer l’IA 

Menée auprès de 11 000 adultes (18-65 ans) dans 11 pays (France, Brésil, Allemagne, Italie, Japon, Pologne, Turquie, Royaume-Uni, États-Unis, Afrique du Sud, Chine), l’étude Ipsos 'Vivre avec l'intelligence artificielle : opportunité ou menace ?' révèle une demande forte de régulation :

  • 87 % veulent encadrer l’IA pour protéger les données sensibles des États, entreprises et individus.

  • 86% demandent un cadre pour garantir les libertés individuelles.

  • 88 % réclament des lois contre les pratiques commerciales agressives.

Etude Ipsos 'Vivre avec l'intelligence artificielle : opportunité ou menace ?' : régulation de l'IA

Contrairement à l’image d’une population passive face aux avancées technologiques, ces chiffres traduisent une exigence claire : encadrer l’IA ne signifie pas la rejeter, mais la rendre plus fiable et plus éthique.


L’idée selon laquelle « L’Europe réglemente pendant que les autres avancent » apparaît dès lors comme un raccourci simpliste. Les citoyens eux-mêmes réclament un cadre. Laisser faire, c’est prendre le risque d’un rejet global de ces technologies à la moindre dérive majeure.

Large consensus international pour une régulation de l’IA

Bien sûr, tous les pays n’affichent pas la même intensité dans leur volonté de régulation.
Exemple : Protéger la confidentialité des informations :

  • Japon (73 %) : un chiffre étonnant pour le « pays des robots ». Mais derrière l’image futuriste, la prudence reste de mise.

  • Allemagne (87 %) : logique pour une nation obsédée par la protection des données et le respect de la vie privée.

  • France (94 %) : un record. Pas étonnant dans un pays où on adore légiférer… et débattre sans fin sur les lois adoptées.

  • États-Unis (87 %) : étonnamment haut pour une nation attachée à la liberté d’entreprendre. Mais ici, on protège d’abord ses libertés individuelles… et ses intérêts commerciaux.

Etude IPSOS : L’intelligence artificielle devrait être encadrée par la loi pour protéger la confidentialité des informations des Etats, des entreprises et des personnes.

Difficile de parler d’une opposition entre « les Européens qui freinent » et « les Américains qui foncent ». La régulation apparaît comme une demande sociétale mondiale, pas comme une lubie bruxelloise.

Peut-on être pro-IA sans être naïf ? 

Face à ces chiffres, une question légitime se pose : peut-on défendre l’intelligence artificielle sans tomber dans l’angélisme technophile ou, à l’inverse, sombrer dans la paranoïa dystopique ?
 

  1. 1.    L’IA, un outil puissant… et indispensable

  2. Difficile de nier l’impact de l’IA. J’utilise ces outils au quotidien. Ils me font gagner du temps, optimisent certaines tâches, améliorent la qualité de mes productions. L’IA est à mon travail ce que les lunettes sont à ma vue : une aide précieuse, pas un substitut.

  3. Je l’admets sans détour : je sollicite tous les jours avec « ChAIshire », mon ChatGPT, un OVNI (Outil Virtuel Non Intelligent), devenu un assistant incontournable. Mieux encore, j’ai consacré un livre entier à ce sujet.


  4. 2.  IA : esprit critique en mode ON

  5. Mais je garde les neurones bien allumés. L’IA hallucine, invente, biaise. Elle n’est pas neutre, elle dépend des données qu’on lui donne et de ceux qui la programment. Le problème n’est pas l’outil, mais son usage.

  6. Un simple stylo peut servir à écrire un poème… ou une diffamation volontaire ou par simple ignorance. L’IA suit le même principe : entre de bonnes mains, elle libère du potentiel ; sans cadre, elle ouvre la porte aux dérives :

  7. •    Scraping de contenus : pillage algorithmique de données sans autorisation, autrement dit du vol organisé.

  8. •    Deepfakes : manipulations vidéo capables de tromper le public et d’orchestrer des fake news massives.

  9. •    Décisions automatisées sans contrôle humain : des algorithmes qui impactent des vies sans responsable identifiable.


  10. L’IA n’est pas dangereuse en soi, mais elle peut être une arme redoutable si on ne définit pas de garde-fous.


  11. 3.    Une approche “centaure” : l'IA sous le pilotage de l’intelligence humaine

  12. Refuser toute loi, c’est offrir un boulevard aux abus. Trop légiférer, c’est condamner la recherche et l’innovation. Entre ces extrêmes, un chemin existe :

  13. •    Protéger la vie privée et les droits fondamentaux.

  14. •    Responsabiliser les développeurs et entreprises qui exploitent l’IA.

  15. •    Encourager la recherche sans freiner inutilement la créativité.


Dans la santé, par exemple, un cadre rigoureux est vital. Mais faut-il mettre des limitations absurdes sur la génération de simples images ou GIFs ? Tout ne se vaut pas, et la régulation doit être adaptée aux usages.

L’histoire nous donne quelques leçons 

  • Internet : explosion incontrôlée, puis réglementation nécessaire
    Dans les années 90, Internet a prospéré sans régulation. Résultat ? Spam, virus, pillage de données, jusqu’à ce que des cadres légaux émergent. Aujourd’hui, les entreprises du numérique n’ont jamais été aussi puissantes… malgré le RGPD et autres réglementations.

    On reproche souvent à l’Europe d’avoir trop légiféré et d’avoir « raté » la révolution tech. Certes, les GAFAM (Google, Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft) sont américains, les BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi). Mais est-ce une question de réglementation ou d’investissements insuffisants et d’une vision trop court-termiste d’un retour sur investissement avec un minimum de risque ?
     

  • L’IA, un dopage technologique à encadrer ?
    Certains exploitent l’IA comme un sportif tricheur bourré d’EPO : scraping illégal, plagiat massif, contournement des droits d’auteur… Pourtant, on voit des entreprises commercialiser des outils basés sur le vol de contenus sans la moindre conséquence légale.
    C’est comme si, à l’époque où l’EPO faisait fureur, on trouvait des vendeurs sur la caravane du Tour de France… Tranquille, en pleine montée de l'Alpe d'Huez  ! Quand même pas, non ?

Accès au livre L'IA au service du marketing

Le rôle de la formation : comprendre pour mieux encadrer l’IA 

Pourquoi tant d’appétit pour la réglementation ? Parce que l’IA touche des sphères sensibles : décisions automatisées, vie privée, libre arbitre, emploi… Face à cela, la formation devient un enjeu central.

Il ne suffit pas de pondre des lois pour « encadrer l’IA ». Encore faut-il que ceux qui les appliquent et ceux qui utilisent ces outils comprennent réellement leur fonctionnement et leurs enjeux.

  • •    Former les décideurs politiques, pour éviter des textes hors-sol, trop rigides ou inadaptés.

  • •    Éduquer les professionnels, pour qu’ils puissent tirer le meilleur de l’IA sans en devenir dépendants.

  • •    Sensibiliser les citoyens, afin qu’ils sachent distinguer un usage bénéfique d’une manipulation.

  • •    Sans oublier les enseignants qui forment le futur.


Car une IA mal comprise est une IA mal maîtrisée, qui alimente les peurs, renforce les préjugés et ouvre un boulevard à une réglementation excessive.

Quelles pistes concrètes pour une régulation intelligente de l'IA ? 

C’est le rôle des gouvernements d’écouter, de négocier et de légiférer. Mais pas n’importe comment.
On l’a vu avec le RGPD : sans pédagogie et adaptation, une loi peut se transformer en usine à gaz pour les entreprises, tout en étant contournée ailleurs.

Les vraies régulations ne se font pas dans des bureaux feutrés, mais dans l’échange avec ceux qui manient ces outils tous les jours :

  • Les ingénieurs et chercheurs, qui en connaissent les limites techniques.

  • Les professionnels qui les intègrent dans leur travail et voient leurs effets réels.

  • Les citoyens et consommateurs, qui subissent ou profitent directement de ces changements.


L’IA Act européen est un premier pas, mais il comporte encore de nombreux angles morts. Par exemple :

  • La protection de la propriété intellectuelle face aux IA génératives.

  • Le détournement des données pour nourrir des modèles sans consentement.

  • L’impact sur l’emploi et les responsabilités en cas d’erreur algorithmique.

Équilibre fragile mais nécessaire entre réglementation et innovation de l'IA

Équilibre fragile mais nécessaire entre réglementation et innovation de l'IA

Il ne s’agit pas de diaboliser l’IA, mais de l’accompagner vers une maturité responsable.
Comme tout outil puissant, l’IA doit être maîtrisée. Un cadre législatif intelligent et évolutif, associé à une formation continue, reste la seule manière d’éviter que la machine ne nous échappe complètement.


Un peu de liberté pour innover, un cadre pour éviter les dérives et beaucoup de bon sens collectif pour ne pas sombrer dans un futur où l’IA serait soit un monstre incontrôlable, soit un potentiel gâché.

« L’IA sans loi, c’est un moteur sans frein : ça va vite, mais ça finit dans le mur. »

🎯 Envie d’aller plus loin ?

Accès à l'article 'Deepfake, fake news, infox, AI slop et désinfo : Les maux de l'IA derrière les mots'
Accès à : AI Act : La loi européenne sur l'intelligence artificielle
Lien vars l'article : Scraper avec l’IA : l'impunité du plagiat décomplexé !

Et si, pour l'iA, on gardait le I majuscule de l'Intelligence pour l'Intelligence Humaine ?

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